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Arrêt no 39/91 du 20 juin 1991 Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail

Arrêt no 39/91 du 20 juin 1991
Source : SIJIP - Système d'informations juridiques, institutionnelles et politiques (A.I.F.)


G. T. A. c. CO. et C. N. R. D.
2 - PRESCRIPTION - RESPONSABILITE CIVILE - PREUVE - RECEVABILITE DE L'ACTION DE L'ASSUREUR POUR DEFAUT DE PRESCRIPTION (OUI) - MISE HORS DE CAUSE DU CONSIGNATAIRE POUR ABSENCE DE FAUTE PERSONNELLE (OUI) - VALIDITE DE LA CLAUSE DE LIMITATION DE RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR (NON) - DEFAUT DE PREUVES DU VICE PROPRE DE LA MARCHANDISE INVOQUE PAR LE CAPITAINE DU NAVIRE (OUI) - DEFAUT DE RESERVES DE L'ACCONIER ET INOPPOSABILITE DU CONSTAT D'AVARIES (OUI)

Président : Clotilde MEDEGAN
Conseillers : KOUKOUI Honoré ; FALADE Valentin
Avocats : POGNON Alfred ; KEKE-AHOLOU Hélène

La Cour

Attendu que le G.T.A., assistée de Me Alfred POGNON, a, par exploit du 8 Avril 1983, relevé appel du jugement contradictoire no 81 du 30 Mars 1983 rendu par le Tribunal de Première Instance de Cotonou dans la cause qui l'oppose à CO. et au capitaine du navire s/s R. D. ayant tous deux pour conseil Me Hélène KEKE-AHOLOU ;

Attendu que l'acte d'appel a été fait suivant les forme et délai de la loi ; qu'il échet de le déclarer recevable ;

Attendu que suivant connaissement no 4 émis à Lomé le 14 Février 1977, l'O.P.A.T. a fait charger sur le navire s/s R. D. à destination d'Amsterdam 1429 sacs de cacao ; qu'au débarquement des marchandises, des avaries ont été constatées ;

Que le G.T.A, , subrogé dans les droits et actions de l'O.P.A.T., a assigné la CO. et le capitaine de navire pour les entendre déclarer responsables des avaries et condamner conjointement et solidairement à lui payer avec les intérêts de droit la somme de 686.184, 50 F CFA ;

Qu'in limine litis, les défendeurs ont soulevé la prescription de l'action du G.T.A. et se sont en outre portés demandeurs reconventionnels de la somme de 300.000 F CFA à titre de dommages-intérêts ;

Que par jugement no 81 du 30 Mars 1983, le Tribunal de Cotonou a déclaré l'action du G.T.A. irrecevable pour cause de prescription et rejeté la demande reconventionnelle de la CO. et du capitaine de navire ;

Que le G.T.A. a formé appel de cette décision ;

Attendu qu'en cause d'appel, Me POGNON, dans ses écritures du 7 Décembre 1984, conclut à l'infirmation du jugement entrepris au motif que l'action introduite le 1er Août 1978 par l'appelant n'est pas prescrite, la CO. ayant marqué son accord pour la prorogation du délai de prescription ;

Qu'il sollicite en outre la condamnation des intimés au paiement de la somme de 686.184, 50 F CFA, outre les intérêts de droit ; qu'il allègue, pour justifier cette demande, qu'il résulte du constat d'avarie que le dommage est survenu au cours du transport maritime ; que la responsabilité de la CO et du capitaine est donc pleine et entière ;

Attendu que Me KEKE-AHOLOU soutient que l'action du G.T.A. est prescrite ; que le télex portant accord de prorogation et dont photocopie est versée au dossier est une pièce "fabriquée" par l'appelant et doit être écartée des débats ;

Qu'elle demande par ailleurs la mise hors de cause de la CO. au motif que celle-ci n'est pas un représentant légal de l'armateur et ne peut donc être assignée devant les Tribunaux ;

Qu'elle invoque en outre la clause de limitation de responsabilité prévue au connaissement et fait valoir que le cacao a son vice propre dans la mesure où mal séché, il peut pourrir par l'effet de l'humidité ;

Qu'elle soulève enfin le défaut de réserves et le caractère non contradictoire du constat d'avaries ;

Attendu que Me POGNON objecte que la mise hors de cause sollicitée par la CO. constitue une demande nouvelle et doit être déclarée irrecevable ; qu'il estime que les marchandises ayant été chargées au port de Lomé par les soins de cette compagnie, il convient de lui reconnaître la qualité du commissionnaire de transport maritme tenu d'une obligation du résultat ;

Qu'il soutient par ailleurs que la clause de limitation de responsabilité est nulle ; que les réserves ont été prises dans les délais légaux ; que la présomption de l'article 181 du Code de Commerce est une présomption simple susceptible de preuve contraire ; que celle-ci est rapportée à travers les énonciations du constat d'avaries ;

Attendu que l'article 182 du Code de Commerce Maritime énonce que l'action contre le transporteur pour avaries est prescrite par un an à compter du jour où les marchandises ont été remises au destinataire ou à son représentant ;

Attendu qu'il est constant que le déchargement des sacs de cacao a pris fin le 10 Mars 1977 ; que l'action du G.T.A., pour être recevable, devait être intentée au plus tard le 10 Mars 1978 ;

Attendu que le G.T.A. n'a assigné la CO. et le capitaine du navire que le 1er Août 1978, soit environ cinq mois après l'expiration du délai de prescription ; mais attendu que l'appelant argue de la non prescription de son action au motif que la CO., suivant télex no 2067/78 du 29 Mai 1978, lui a accordé une prorogation de trois mois du délai de prescription à compter du 03 Juin 1978 ;

Attendu que si les intimés contestent l'authenticité du télex sus-indiqué et réfutent par voie de conséquence l'accord de prorogation, il faut cependant faire observer que la lettre en date à Cotonou du 24 Janvier 1980 adressée à Me POGNON par la C. E. M. B. et produite par Me KEKE-AHOLOU est à cet égard dénuée de toute ambiguïté, c'est-à-dire qu'elle se réfère expressément audit accord ;

Que dès lors, il y a lieu de dire et juger que la CO. a donné son accord tel qu'il résulte du télex du 29 Mai 1978 ; que l'action du G.T.A. n'est pas prescrite ; qu'elle est en conséquence recevable ;

Qu'il échet d'infirmer le jugement querellé ;

Attendu que les intimés, pour dégager leur responsabilité, ont demandé la mise hors de cause de la CO., et soulevé divers moyens à savoir la clause limitative de responsabilité, le vice propre de la marchandise, le défaut de réserves et l'inopposabilité du constat d'avaries ;

Attendu que le G.T.A. estime que la mise hors de cause de la CO. est irrecevable pour avoir été formulée pour la première fois en appel ;

Mais attendu que la demande de la CO. s'analyse plutôt en une défense au fond en ce qu'elle vise uniquement à faire échec à l'action de l'appelant ;

Qu'il résulte des dispositions de l'article 464 du Code de Procédure Civile qu'aucune demande nouvelle ne pourra être formée en cause d'appel, sauf si cette demande est une défense à l'action principale ;

Que c'est donc vainement que le G.T.A. soulève l'irrecevabilité de la demande de la CO. ;

Attendu qu'au soutien de sa prétention, la CO. excipe de sa qualité de consignataire du navire et se fonde sur les dispositions de l'article 245 du Code de Commerce Maritime ; qu'à l'opposé le G.T.A. soutient que la CO. est un commissionnaire de transport ;

Attendu qu'il n'existe au dossier aucun élément, ni de fait, ni de droit, pouvant permettre d'assimiler le rôle joué par la CO. dans le transport des sacs de cacao à celui d'un commissionnaire de transport ;

Qu'en outre, l'appelant, dans ses conclusions du 07 Décembre 1984 reconnaît lui-même que la CO. agissait en qualité de consignataire du navire ;

Que par suite, l'argument soutenu par le G.T.A. doit être rejeté ;

Attendu qu'aux termes des articles 244 et 245 du Code de Commerce Maritime, le consignataire du navire est un mandataire de l'armateur ; qu'à ce titre, il ne répond envers les ayants-droit aux marchandises débarquées que de ses fautes personnelles et celles de ses préposés ; qu'il n'est pas responsable personnellement de la bonne exécution du contrat de transport ;

Qu'en effet, il a été jugé que le consignataire du navire, simple mandataire de l'armateur, ne peut être déclaré responsable des avaries et manquants au cours du transport maritime, à moins que soit établie à sa charge une faute de nature à engager sa responsabilité (Trib du com. de Sète, 30 janv. 1951, sté Falandry et Chambaret c/ Transports Maritimes de l'Etat, Cie des Bateaux à Vapeur du Nord et Frisch - Ripert : Le Droit maritime français 1955. Jurisprudence P. 102)

Attendu que la faute personnelle de la CO. ou celle de ses préposés n'est point prouvée en l'espèce ;

Que dès lors il y a lieu de déclarer la CO. bien fondée en sa demande et de la mettre hors de cause.

Attendu que selon l'article 177-1 du Code de Commerce Maritime, est nulle et de nul effet la clause visant à soustraire le transporteur à la responsabilité définie à l'article 175 ;

Que l'article 175 en posant le principe de la responsabilité du transporteur renvoie à l'article 176 qui en fixe les limites, notamment les causes d'exonération qui une fois prouvées par le transporteur le déchargent de sa responsabilité ;

Qu'il se dégage de l'analyse de ces différentes dispositions que toute clause de limitation de responsabilité stipulée au mépris du cadre légal ainsi tracé est nulle et de nul effet ;

Attendu que la clause invoquée au rejet de la prétention de l'appelant est libellée comme suit :

"Le transporteur ou son agent ne sont pas responsables de toute perte ou avarie et pour détérioration des fruits, oignons, légumes ou denrées périssables de toute sorte, que ce soit à bord du navire même si cette perte ou avarie ou détérioration résulte d'une cause pour laquelle le navire aurait été responsable" ;

Qu'une telle stipulation n'exclut de façon absolue la responsabilité du transporteur ;

Qu'elle encourt de ce fait la nullité ;

Attendu que si le vice propre de la marchandise est une des causes d'exonération de la responsabilité du transporteur, celui-ci doit en rapporter la preuve pour bénéficier des dispositions bienveillantes de l'article 176 du Code de Commerce Maritime ;

Attendu que le capitaine du navire ne rapporte pas la preuve du vice du cacao transporté et n'offre pas de le faire ;

Qu'il échet en conséquence de le débouter de ce moyen ;

Attendu qu'aux termes de l'article 181 du Code de Commerce Maritime, le destinataire est présumé, sauf preuve contraire, avoir reçu les marchandises telles qu'elles sont décrites au connaissement s'il n'a pas adressé des réserves écrites au transporteur ou à son représentant au port de débarquement au moment de la livraison, et s'il s'agit de pertes ou de dommages non apparents, dans les trois jours de la livraison, jours fériés non compris ;

Attendu que l'appelant fait état pour seule justification de ses réserves de la mention du certificat d'avaries selon laquelle une lettre et une convocation auraient été adressées au transporteur le 15 Mars 1977 ;

Mais attendu que ces documents, dont la réception est niée par le capitaine du navire, n'ont, en l'absence de récépissé de la poste, que la valeur de simples affirmations qui ne peuvent à elles seules, faire la preuve des réserves écrites prévues à l'article sus-cité ; que la preuve de ces réserves n'étant pas rapportée, les marchandises sont, par application dudit article, présumées, sauf preuve contraire, avoir été livrées telles que décrites au connaissement ;

Attendu que cette preuve contraire ne saurait, en l'espèce, résulter du certificat d'avaries ; qu'en effet, l'absence de son caractère contradictoire à l'égard du transporteur ou de son représentant n'étant pas contestée, le capitaine du navire est fondé à soutenir qu'il ne peut lui être opposé ;

Attendu qu'il suit de ce qui précède que le G.T.A. est mal fondé à solliciter réparation du préjudice subi ;

Qu'il échet en conséquence de le débouter de sa demande en paiement de la somme de 686.184, 50 F CFA ;

Par ces motifs :

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

En la forme :

Déclare G.T.A. recevable en son appel ;

Au fond :

- Infirme le jugement no 81 en date du 30 Mars 1983 du Tribunal de Première Instance de Cotonou ;

Evoquant et statuant à nouveau :

- Dit et juge que l'action engagée le 1er Août 1978 par l'appelant n'est pas prescrite ; la déclare en conséquence recevable ;

- Reçoit la demande de mise hors de cause de la CO. ;

- L'y déclare fondée ; la met hors de cause. ;

- Déclare nulle et de nul effet la clause de limitation de la responsabilité du transporteur ;

- Rejette le moyen tiré du vice propre de la marchandise ;

- Constate le défaut des réserves prétendûment prises par le destinataire des sacs de cacao ;

- Dit et juge que le constat d'avaries est inopposable au capitaine du navire parce que non contradictoire ;

- Déboute en conséquence le G.T.A. de sa demande de réparation du préjudice résultant des avaries et portant sur la somme de 686.184, 50 F.

- Le condamne aux entiers dépens dont distraction au profit de Me KEKE-AHOLOU, Avocat aux offres de droit.

Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d'Appel de Cotonou.