Arrêt no 4/90 du 29 Novembre 1990

Arrêt no 4/90 du 29 Novembre 1990
Source : SIJIP - Système d'informations juridiques, institutionnelles et politiques (A.I.F.)

 


Société C. c. Mr H. B.
DEFENSES A EXECUTION PROVISOIRE DU JUGEMENT - VALIDITE DE LA SIGNIFICATION D'UN JUGEMENT SOCIAL DE DEFAUT PAR LETTRE AVEC ACCUSE DE RECEPTION (OUI) - FORCLUSION DE LA DEMANDE EN DEFENSE A EXECUTION PROVISOIRE (NON) - VIOLATION DES ARTICLES 135 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE ET 179 DU CODE DU TRAVAIL (OUI) - DEFENSES A EXECUTION PROVISOIRE (OUI)
SUITE À UN JUGEMENT DU TRIBUNAL SOCIAL ALLOUANT DES DROITS À UN EMPLOYÉ LICENCIÉ, CE DERNIER, CONFORMÉMENT AU DISPOSITIF DUDIT JUGEMENT, A PROCÉDÉ À SA SIGNIFICATION PAR LETTRE AVEC ACCUSÉ DE RÉCEPTION ET À SON EXÉCUTION PROVISOIRE FAISANT OPPOSITION SUR LES COMPTES BANCAIRES DE SON EMPLOYEUR.

L'EMPLOYEUR A ALORS RELEVÉ APPEL DU JUGEMENT EN VUE D'OBTENIR DÉFENSES À EXÉCUTION PROVISOIRE.

LA COUR LES LUI ACCORDE MOTIFS PRIS DE CE QUE LE PREMIER JUGE N'A PAS FAIT CONSTATER L'URGENCE OU LE PÉRIL JUSTIFIANT L'OCTROI PAR LUI DE L'EXÉCUTION PROVISOIRE, NI TENU COMPTE DE LA LIMITATION DE SA COMPÉTENCE EN DERNIER RESSORT FIXÉE À 60.000 F PAR LE CODE DU TRAVAIL. ELLE DÉCLARE NULLE LA PROCÉDURE D'EXÉCUTION ENGAGÉE PAR L'EMPLOYÉ ET LUI ORDONNE D'OPÉRER MAINLEVÉE IMMÉDIATE DES OPPOSITIONS PRATIQUÉES.


Président : Guy MARTIN-CORREIA
Conseillers : Michel HOUNMENOU ; Eliane PADONOU épouse RANDOLPH
Greffier : Reine TSAWLASSOU
Avocats : Alfred POGNON ; Reine ALAPINI-GANSOU

LA COUR

Attendu que par exploit en date à Cotonou du 17 Octobre 1990 de Maître Germain LIGAN, Huissier près le Tribunal de Première Instance de Cotonou, la Société C. a assigné Monsieur H.B. devant la Cour d'Appel pour s'entendre prononcer la défense à exécution provisoire du jugement rendu en sa faveur par le Tribunal Social le 27 Août 1990 ;

Attendu que la Société C. par l'organe de son conseil, Maître A. POGNON, Avocat, expose à l'appui de son action qu'elle a introduit la présente instance après que par l'intermédiaire de son conseil, le sieur H. B. lui a réclamé paiement des sommes à lui allouées par jugement du 27 Août 1990 du Tribunal Social en lui délaissant commandement de payer lesdites sommes et en faisant opposition dans les heures qui suivirent le commandement, sur ses comptes bancaires ;

Attendu que H. B. par l'organe de son conseil Maître Reine ALAPINI - GANSOU conclut à l'irrecevabilité de l'action de la C. pour cause de forclusion, le jugement en cause ayant été rendu publiquement, contradictoirement et en premier ressort sans qu'aucun appel ait été enregistré dans les délais légaux à compter du jour de la prononciation de la décision ;

Attendu que la C. soutient que le jugement querellé pris le 27 Août 1990 a été rendu à une date non convenue par les parties et que violant ainsi le principe du contradictoire, autorise la victime qu'elle est, à interjeter appel ; que H. B. ne lui a notifié le dispositif du jugement que le 4 Octobre 1990 et par lettre recommandée avec accusé de réception alors qu'il aurait dû comme le prescrit la loi, lui faire une notification par Huissier du jugement intervenu ; que c'est du jour de cette signification et non de celui du prononcé du jugement que court le délai d'appel ;

Attendu qu'il y a lieu de relever que les considérations de la partie appelante sur la notification du jugement intervenu par Huissier pour faire courir le délai d'appel ne sauraient être retenues en l'espèce, s'agissant d'un jugement du Tribunal du travail pour lequel le délai d'appel est de quinze jours à dater du prononcé du jugement ; que l'article 183 du Code du Travail est indiscutable sur ce point ;

Attendu que les circonstances dans lesquelles le jugement querellé a été rendu à une date fixée par le Tribunal méritent toutefois d'être prises en considération en l'espèce pour apprécier correctement le point de départ du délai d'appel ;

Qu'il est constant en effet qu'à la date du 13 Août 1990 publiquement indiquée par le Tribunal Social comme date du prononcé du jugement, il n'y a pas eu d'audience en raison de l'absence du Président du Tribunal ; que le Tribunal n'a pas pu en conséquence comme il aurait dû le faire dès le 13 Août 1990 proroger son délibéré au 27 Août 1990 en présence de toutes les parties ;

Attendu qu'en pareilles circonstances seule la connaissance du jugement rendu contre elle par la Société C. peut faire courir le délai d'appel ; que ce délai ne saurait donc courir qu'à compter du 4 Octobre 1990, date à laquelle une notification du dispositif du jugement par lettre recommandée avec accusé de réception a été faite à la Société C. ; que cette dernière ayant aussitôt relevé appel par lettre de son conseil du 8 Octobre 1990 au Greffier en chef du Tribunal doit être déclarée recevable.

Attendu que l'article 135 du Code de Procédure Civile fixe les conditions dans lesquelles l'exécution provisoire peut être obtenue et que l'article 179 du Code du Travail définit dans le cas d'espèce la procédure d'obtention de la défense à exécution provisoire ;

Attendu qu'il est de doctrine et de jurisprudence constantes que la défense à exécution provisoire est accordée à bon droit lorsque le Juge a négligé de caractériser expressément ou implicitement par des constatations de fait l'urgence ou le péril en la demeure ;

Attendu que le premier Juge n'a nulle part dans le jugement querellé fait constater l'urgence ou le péril qui justifie l'octroi par lui de l'exécution provisoire ni tenu compte de la limitation fixée par le Code du Travail à la Somme de Soixante Mille (60.000) francs pour ordonner l'exécution provisoire avec dispense de caution ; que ce faisant il a violé les dispositions des articles 135 du Code de Procédure Civile et 179 du Code du Travail ;

Que les conditions pour l'obtention des défenses à exécution provisoire sont ainsi réunies et qu'il y a lieu de les accorder, en ordonnant mainlevée immédiate des oppositions pratiquées ;

Par ces motifs : La Cour statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,

En la forme : Déclare recevable l'appel interjeté,

Au fond :

Accorde les défenses à exécution provisoire et déclare nulle la procédure d'exécution engagée ;

Ordonne à H. B. d'opérer mainlevée immédiate des oppositions pratiquées.

Réserve les dépens.

Ainsi fait, jugé, prononcé publiquement par la Cour d'Appel de Cotonou.