Jugement Soc1 N°003 du 05 février 2007

Jugement Soc1 N°003 du 05 février 2007

GNASSOUNOU Ludovic M. Virgile

C/

ONG AIDE ET ACTION

 

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU
PREMIERE CHAMBRE SOCIALE

JUGEMENT N° 003/07 du 05 février 2007
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Rôle Général N°002/03
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GNASSOUNOU Ludovic M. Virgile

C/

ONG AIDE ET ACTION

 

PRESIDENT : William-karmen KODJOH-KPAKPASSOU
MINISTERE PUBLIC : Onésime  MADODE
GREFFIER : Me Raoul G. HOUNSOU
Jugement  contradictoire en premier ressort ;
Prononcé le  05 février 2007 en audience publique.

 

PARTIES EN CAUSE

DEMANDEUR : GNASSOUNOU Ludovic M. Virgile;

DEFENDEUR : ONG AIDE ET ACTION

 

LE TRIBUNAL

Suivant procès-verbal de non-conciliation n° 928 de la Direction du Travail en date du 28 novembre 2002, Ludovic M. Virgile GNASSOUNON a saisi le tribunal de céans statuant en matière sociale d'une action en paiement des sommes ci-après, contre l'Organisation Non Gouvernementale (O.N.G.) dénommée «AIDE ET ACTION», pour cause de rupture de son contrat de travail ;

-Indemnité compensatrice de préavis: quatre cent vingt quatre mille (424.000)F

-Indemnité de licenciement : trois cent seize mille huit cent cinquante sept (316.857) F

-Dommages -intérêts pour licenciement abusif: dix millions (10.000.000) F

Il sollicite en outre I' exécution provisoire de la présente décision;

Au soutien de ses prétentions, Ludovic M. Virgile GNASSOUNON expose qu'il a été engage le 20 mai 1996 par l'O.N.G. «AIDE ET ACTION» en qualité de comptable, sur la base d'un contrat à durée déterminée d'un (01) an, moyennant un salaire de cent dix mille (110.000) francs;

Que cet engagement a été renouvelé pour une période de onze (11) mois, au cours de laquelle son salaire a été porté à 128.333 francs;

Que satisfaite de ses prestations, l'O.N.G. « AIDE ET ACTION» a conclu avec lui un contrat de travail à durée indéterminée dont I'exécution s'est poursuivie sur plusieurs années au cours de laquelle il a successivement été promu aux postes d'assistant financier et de responsable administratif et financier adjoint ;

Qu'en cette qualité, il a géré d'importants fonds de l'O.N.G, sans jamais subir le moindre reproche ;

Qu'en raison de la qualité de son travail, il a été plusieurs fois distingué dans son service;

Que c'est en cet état de choses qu' il a été accusé, le 25 mars 2002, sur la base des déclarations d'un agent du service, d'avoir soutiré la somme de dix mille (10.000) dans le sac à main du Responsable Administratif et Financier de l'O.N.G;

Qu’à sa demande, il a été confronté à celui-ci qui a nié l'avoir dénoncé et s'est confondu en excuses;

Que cependant, le Responsable Administratif et Financier de l'O.N.G avait résolu de se débarrasser de lui, parce qu'il le considérait comme un concurrent, en raison de ses prestations saluées par ses supérieurs ;

Qu'ainsi, elle a exercé des pressions et des menaces de licenciements sur l'agent qui a réitéré ses accusations contre lui ;

Que malgré l'inconstance de son accusateur et en l'absence de preuve des faits allégués contre lui, son employeur lui a adressé une demande d'explication le 09 avril 2002 et I'a licencié le 10 avril 2002 au mépris de la réglementation applicable en la matière ;

Que son licenciement a été prononcé sans préavis et en I' absence de motif objectif et sérieux ;

Qu'il doit être déclaré manifestement abusif;

Qu'il échet de condamner l'O.N.G. « AIDE ET ACTION» à lui payer les droits réglementaires et des dommages- intérêts ;

En réplique, l'O.N.G. « AIDE ET ACTION» demande au Tribunal de :

-Dire que Ludovic M. Virgile GNASSOUNON est coupable de faute lourde ;

-Dire que son licenciement a été prononcé pour faute lourde avec perte de tous les droits ;

-Dire que ce licenciement est régulier et débouter le demandeur de ses prétentions ;

-Dire qu'il n'y a pas lieu a exécution provisoire ;

Elle développe a I' appui de ses prétentions que Ludovic M. Virgile GNASSOUNON a été engagé le 20 mai 1996 avant de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée le 20 mai 1998 ;

Qu'il n'a pas toujours fait preuve d'éthique et de probité dans l'exercice de ses foncions ;

Que les 28, 29 et 30 janvier 2002, il a commis plusieurs tentatives de vol ;

Que le 19 février 2002, il a été pris en flagrant délit de vol au préjudice de son supérieur hiérarchique ;

Que ces faits ont terni sa confiance en son employé, d'où son licenciement avec perte de tous les droits ;

Que le vol commis par récidive est une faute lourde justifiant le licenciement sans droits ;

Qu'il y a lieu, en outre, de rectifier le procès-verbal de non-conciliation qui saisit le Tribunal en retenant que:

-le contrat d'engagement querellé est du 20 avril 1998, ce qui confère au demandeur une ancienneté égale a trois (03) ans onze (11) mois et vingt (20) ;

-le salaire du demandeur est de 198.771 francs suivant son bulletin de paie;

Que par ailleurs, I' exécution provisoire sollicitée n'est pas motivée, contrairement aux exigences de l'article 248 alinéa 4 du Code du Travail;

SUR LE LICENCEMENT

Attendu qu'aux termes de l'article 45 alinéa 1er  de la loi n° 98-004 du 27 janvier 1998 portant Code du Travail en République du Bénin, « un salarié ne peut être licencié que s'il existe un motif objectif et sérieux de ne pas maintenir son contrat de travail » ;

Attendu qu'il résulte des débats et des pièces versées au dossier que Ludovic M. Virgile GNASSOUNON a été engagé par l'O.N.G. « AIDE ET ACTION », en qualité de comptable, sur la base d'un contrat a durée déterminée signée entre les parties le 20 mai 1996 ;

Qu'après un premier renouvellement de ce contrat le 19 mai 1997, Ludovic M. Virgile GNASSOUNON a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée avec
l'O.N.G. « AIDE ET ACTION» à compter du 20 avril 1998 ;

Qu'en cours d'emploi, il a accédé au poste de Responsable Administratif et Financier Adjoint pour avoir donné satisfaction à son employeur qui lui a adressé plusieurs fois des félicitations, notamment à l'occasion d'un audit de comptes  réalisé  courant 2000 ;

Qu'en septembre 2001, il a été désigné pour assurer l'intérim du Responsable Administratif et Financier;

Que c'est dans ces conditions que courant mars 2002, Ludovic M. Virgile GNASSOUNON a été accusé d'avoir soutiré la somme de dix mille (10.000) francs dans le sac à main de Caroline ATTIGNON, Responsable Administratif et Financier, sur la base des déclarations d'un agent du service administratif et financier de l'O.N.G. «AIDE ET ACTION» nommé Hervé AMOUSSOU-GUENOU;

Qu'au cours d'une confrontation organisée entre celui-ci et Ludovic M. Virgile GNASSOUNON, sur insistance de ce dernier, Hervé AMOUSSOU-GUENOU ayant dénoncé le fait de vol s'est rétracté;

Que par suite de cette rétractation, I 'O.N.G. « AIDE ET ACTION» a prononcé contre lui une mise à pied;

Qu'après quelques jours de suspension de son contrat, Hervé AMOUSSOUGUENOU est revenu sur ses dénégations et accuse, à nouveau, Ludovic M. Virgile GNASSOUNON du vol de la somme de dix mille (10.000) francs dans une lettre datée du 05 avril 2002 ;

Que dès le 09 avril 2002, le Responsable Administratif et Financier a adressé à Ludovic M. Virgile GNASSOUNON une demande d'explication libellée comme suit: « Monsieur Hervé AMOUSSOU-GUENOU a déclaré vous avoir vu prendre un billet de 10.000 (dix mille) FCF A dans mon sac. Vous avez nié cela. Voulez-vous me confirmer par écrit? J'attends votre réponse au plus tard 12h30 ce jour » ;

Attendu que Ludovic M. Virgile GNASSOUNON a contesté cette accusation;

Mais attendu qu'en dépit de cette contestation, et malgré les variations de Hervé AMOUSSOU-GUENOU, l'O.N.G. «AIDE ET ACTION» a décidé, le 10 avril 2002, de le licencier sans préavis, pour faute lourde avec perte de tous droits, sur la base desdites déclarations;

Or, attendu que la faute lourde pour justifier un licenciement sans droits doit être suffisamment caractérisée dans sa gravité et démontrée sans ambiguïté ;

Qu'en l'espèce, l'O.N.G. « AIDE ET ACTION» a licencié Ludovic M. Virgile GNASSOUNON en se fondant sur des faits non élucidés et donc non établis ;

Qu'en se déterminant ainsi pour prendre une mesure de licenciement avec perte de tous les droits contre Ludovic M. Virgile GNASSOUNON, elle a procédé avec légèreté ;

Que son licenciement prononcé dans ces conditions est manifestement abusif;

SUR L'ANCIENNETE DU DEMANDEUR ET LE MONTANT DU SALAIRE

Attendu que l'ancienneté d'un travailleur est constatée et calculée à partir de la date de son engagement;

Qu'en outre, selon l'article 207 du Code du Travail, le salaire signifie le traitement de base et tous autres avantages payés directement ou indirectement en espèces ou en nature, par l' employeur au travailleur en raison de son emploi ;

Attendu que l'O.N.G. «AIDE ET ACTION» soutient que l'ancienneté de Ludovic M. Virgile GNASSOUNON est de trois (03) ans onze (11) mois et vingt (20) jours en ce que son contrat à durée indéterminée remonte au 20 avril 1998 et que son salaire est de 198.771 francs suivant son bulletin de paie ;

Attendu qu'il est constant au dossier que Ludovic M. Virgile GNASSOUNON a été engagé par l'O.N.G. «AIDE ET ACTION» le 20 mai 1996 sur la base d'un contrat à durée déterminée qui s'est poursuivi entre les parties durant deux années et s'est transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 20 avril 1998 ;

Que c'est donc à tort que l'O.N.G. «AIDE ET ACTION» tente de réduire son ancienneté à trois (03) ans onze (11) mois et vingt (20) jours alors qu'il a effectué du 20 mai 1996 date de son recrutement au 10 avril 2002 date de son licenciement, cinq (05) ans onze (11) mois et vingt (20) jours au sein de cet employeur ;

Attendu par ailleurs, qu'il ressort des bulletins de paie versés au dossier par les parties que le salaire paye par l'O.N.G. «AIDE ET ACTION» à Ludovic M. Virgile GNASSOUNON est de 198.771 francs;

Qu'il y a lieu de considérer ce montant pour liquider les droits du demandeur ;


SUR LES RECLAMATIONS DU DEMANDEUR

- Sur I'indemnité de préavis

Attendu que la partie qui prend l'initiative de rompre un contrat de travail à durée indéterminée doit respecter un préavis dont la durée est de trois (03) mois pour les agents de maîtrise, cadres et assimilés ;

Qu'en cas de rupture intervenant sans préavis, la partie responsable a I' obligation de verser à I' autre une indemnité dont le montant correspond à la rémunération et aux avantages de toute nature dont aurait bénéficié le travailleur durant le préavis qui n'a pas été effectivement respecté ;

Attendu qu'au regard de ce qui précède, il est acquis que l'O.N.G. «AIDE ET ACTION» a pris une mesure abusive contre Ludovic M. Virgile GNASSOUNON en le licenciant sans préavis ;

Qu'il y a lieu de la condamner à lui payer la somme de cinq cent quatre vingt seize mille trois cent trente trois (596.313) francs à titre d'indemnité compensatrice ;

-Sur l'indemnité de licenciement

Attendu qu'en cas de licenciement, le travailleur ayant accompli une durée de service au moins égale à un an a droit à une indemnité de licenciement équivalente à 25% du salaire global mensuel moyen par année de présence pour les cinq premières années et de 30% de la sixième à la dixième année;

Attendu qu'en l'espèce, Ludovic M. Virgile GNASSOUNON a totalisé cinq (05) ans onze (11) mois et vingt (20) jours au service de l'O.N.G. «AIDE ET ACTION» ;

Qu'il remplit donc les conditions de la loi pour bénéficier de l'indemnité de licenciement ;

Qu'il y a lieu de condamner l'O.N.G. «AIDE ET ACTION» à lui payer la somme de trois cent seize mille huit cent cinquante sept (316.857) F réclamée au titre de cette indemnité ;

-Sur les dommages- intérêts du licenciement abusif

Attendu que selon l'article 52 du Code du Travail, tout licenciement qui ne repose pas sur un motif objectif et sérieux ouvre droit, au profit du salarié, à des dommages- intérêts;

Attendu que Ludovic M. Virgile GNASSOUNON sollicite la condamnation de l'O.N.G. «AIDE ET ACTION» à lui payer la somme de dix millions (10.000.000) F à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait de son licenciement abusif ;

Attendu qu'il est bien fondé en cette réclamation en raison du caractère manifestement abusif de son licenciement qui a entraîné pour lui la perte des revenus de son travail et les préjudices matériels et moraux y afférents ;

Que toutefois, le montant réclamé est exagèré ;

Qu'il y a lieu de le réduire à une juste proportion en condamnant l'O.N.G. «AIDE ET ACTION» à lui payer la somme de cinq millions (5.000.000) FCFA de ce chef;

-Sur I'exécution provisoire sollicitée

Attendu que Ludovic M. Virgile GNASSOUNON sollicite  l’exécution provisoire de la présente décision pour le tiers des condamnations prononcées, en vertu de I'article 248 du Code du Travail;

Attendu que I'article 248 du Code du Travail dispose en son alinéa 2: que « I'exécution provisoire du tiers de la condamnation pécuniaire peut être prononcée par le juge d'office ou sur demande nonobstant toutes voies de recours lorsqu'il y a urgence et péril en la demeure ou que le licenciement est manifestement abusif » ;

Attendu qu'en l'espèce, le licenciement de Ludovic M. Virgile GNASSOUNON est manifestement abusif, au regard de tout ce qui précède;

Que la résistance de l'O.N.G. «AIDE ET ACTION» à régler les suites de son licenciement ainsi que le retard qui en découle pour la jouissance de ses droits sociaux par le demandeur justifie davantage la mesure sollicitée ;

Qu'il échet d'y faire droit;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en premier ressort :

Déclare abusif le licenciement de Ludovic M. Virgile GNASSOUNON par l'Organisation Non Gouvernementale (O.N.G.) dénommée «AIDE ET ACTION» ;

Dit que l'ancienneté de Ludovic M. Virgile GNASSOUNON est de cinq (05) ans onze (11) mois et vingt (20) jours et que son salaire égal à cent quatre vingt dix huit mille sept cent soixante onze (198.771) francs;

Condamne l'Organisation Non Gouvernementale (O.N.G.) dénommée «AIDE ET ACTION» à lui payer les sommes ci-après :

-Indemnité compensatrice de préavis : cinq cent quatre vingt seize mille trois cent trente trois (596.313) francs

-Indemnité de licenciement : trois cent seize mille huit cent cinquante sept (316.857) F

-Dommages- intérêts: cinq millions (5.000.000) F

Ordonne I' exécution provisoire de la présente décision à hauteur du tiers des condamnations prononcées.

DELAI D'APPEL : 15 Jours

Ont signé


LE PRESIDENT                          LE GREFFIER