Jugement Soc2 N°051 du 29 Décembre 2006

Jugement Soc2 N°051 du 29 Décembre 2006
SANTOS Eugénie épse SALLON 

C.

SACOGI

 

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU
DEUXIEME CHAMBRE SOCIALE

JUGEMENT CONTRADICTOIRE
N°051/06 du 29 Décembre 2006
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Rôle Général N°098/03
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SANTOS Eugénie épse SALLON

C/

SACOGI
(Me DJIKUI)

 

PRESIDENT :William-Karmen KODJOH-KPAKPASSOU
MINISTERE PUBLIC : Onésime  MADODE
GREFFIER : Me  S. R. Martial GBAGUIDI
DEBATS : le 20 Novembre 2003 en audience publique
Jugement  contradictoire en premier ressort ;
Prononcé le 29 Décembre  2006.

PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE: SANTOS Eugénie épouse SALLON

DEFENDERESSE : SACOGI, assistée de Maître DJIKUI,
 
LE TRIBUNAL
Suivant procès-verbal de non conciliation n° 565 en date à Cotonou du 10 juillet 2003, Eugénie SANTOS a saisi le tribunal de céans statuant en matière sociale d’une demande en paiement des sommes ci-après, contre la Société Africaine de Commerce Général et d’Industrie (SACOGI) SARL pour cause de rupture de son contrat de travail ;
* Indemnité compensatrice de préavis (un mois) : cinquante mille (50.000) F
* Indemnité compensatrice de congé payé (03 mois) : cent cinquante mille (150.000) F
* Salaire de présence du mois du 1er au 06 septembre 2002 : dix mille (10.000) F
* Indemnité de licenciement : deux cent vingt trois cent quatre (223.104) F
* Moins perçus sur salaire du 15 octobre 1987 au 31 juillet 1997 : un million cinq cent huit mille six cent sept (1.508.608) F
* Dommages-intérêts pour licenciement abusif : vingt cinq millions (25.000.000) F

Elle sollicite en outre la régularisation de ses cotisations à l’Office Béninois de Sécurité Sociale (OBSS) pour la période du 15 octobre 1987 au 06 février 1996 ainsi que la délivrance d’un certificat de travail par son ancien employeur ;
Au soutien de son action, Eugénie SANTOS expose qu’elle a été engagée le 15 octobre 1987 en qualité de secrétaire par la Société Africaine de Commerce Général et d’Industrie, créée trois (03) mois plus tôt ;
Que cumulativement à sa fonction de secrétaire, elle assurait toutes autres tâches que son employeur lui confiait, notamment la vente au comptoir, la gestion du magasin, le tri des pneus et les versements à la Banque ;
Qu’elle a perçu un acompte sur salaire fixé à douze mille francs du 15 octobre 1987 au mois de mai 1989 ;
Que son traitement est ensuite passé à treize mille francs de juin à décembre 1990, avant d’évoluer comme suit :
* Janvier 1990 à décembre 1991 : 16.000 F
* Janvier 1992 à décembre 1992 : 17.000 F 
* Janvier 1993 à février 1995 : 20.000 F
* Mars 1995 à décembre 1995 : 33.000 F
* Janvier 1996 à juillet 1997 : 40.000 F
* Août 1997 au 06 septembre 2002 : 50.000 F ;
Que son employeur l’a déclarée à l’Office Béninois de Sécurité Sociale (OBSS) en 1996, à la suite d’un contrôle effectué par cette institution dans l’entreprise, en indiquant, à son insu, le 07 février 1996 comme date de sa prise de service ; 
Qu’elle n’a pu constater la situation que trois ans plus tard, à la réception de son livret d’assurance ;
Qu’une erreur sur sa date d’engagement figure également sur un certificat de travail qui lui a délivré le 10 septembre 1996 et qui porte le comme date d’embauche le mois de septembre 1988 ;
Que courant l’année 2000, elle a été nommée gérante du magasin de la Société SACOGI SARL sise au quartier Vèdoko à Cotonou, comme l’indique son attestation de travail du 08 mars 2000 ;
Que dans ce rôle de gérante, et suivant les usages de la société, elle procédait à des annulations de factures, soit lorsque des pièces vendues à des clients ne correspondaient pas à leur désir, soit lorsque les intitulés relatifs aux pièces ou à l’acheteur étaient mal libellés ;
Qu’en raison de l’absence de procédure écrite dans la société, la direction avait l’habitude de procéder à un inventaire pour effectuer des vérifications ;
Que le 18 août 2002, son employeur lui a fait des reproches relativement aux annulations de factures et lui a demandé de se mettre à la disposition de sa fille qui dirigeait la chaîne de froid de la société ;
Qu’elle lui a fait observer les inconvénients de cette mutation compte tenu de la mobilité des produits dont elle avait la gestion, avant de s’exécuter ;  
Que plus tard, son employeur s’est présenté dans la nouvelle structure où elle travaillait et l’a couverte d’opprobre en annonçant à tout le personnel qu’elle a été affectée dans la chaîne de froid en raison des annulations de facture ;
Que le 05 septembre 2002, son employeur  lui a fait payer son salaire du mois d’août 2002 en lui demandant, par ailleurs, de ne plus mettre pied dans l’une quelconque de ses entreprises ;
Que le 10 septembre 2002, elle s’est néanmoins présentée dans la société et  déposé à la direction une lettre aux fins d’obtenir une notification écrite de son licenciement ;
Qu’à ce moment,la secrétaire l’a informé qu’une demande d’explication relative aux annulations de factures lui était destinée ;
Que n’étant plus dans la société depuis le 06 septembre 2002, et pour avoir quitté le magasin dont elle avait la gestion le 18 août 2002, elle s’est donc rendue à l’évidence que le directeur de la Société SACOGI SARL l’avait licenciée sans motif et tentait par ce moyen de régulariser cette décision ;
Qu’elle n’a pas donné suite à cette  demande d’explication du 10 septembre 2002 qui lui a été transmise après son licenciement le 06 septembre 2002 ;
Que son licenciement intervenu après plus de quatorze années de bons et loyaux services est arbitraire et abusif ;
Qu’elle réclame le paiement des  droits réglementaires calculés par la direction du travail ainsi que des dommages-intérêts pour les préjudices matériels et moraux subis du fait de la brusque rupture de son contrat de travail ; ;
Attendu que la Société SACOGI SARL a été dûment appelée à l’instance suivant citations à comparaître des 17 novembre 2003 et 12 décembre 2003 et a constitué conseil ;
Que de 2003 à 2006, son représentant n’a pas daigné comparaître, en dépit de multiples remises de causes accordées par le Tribunal à cette fin ;
Que l’instruction de la cause a eu lieu à l’audience du 14 avril 2006, en présence du conseil de la Société SACOGI SARL ;
Que toutefois, la Société SACOGI SARL n’a produit aucune observation au dossier, malgré plusieurs ajournements opérés par le Tribunal à cet effet ;
Qu’il y a lieu, en conséquence, de statuer contradictoirement à son égard ;

SUR LE LICENCIEMENT
Attendu qu’aux termes de l’article 45 alinéa 1er de la loi n° 98-004 du 27 janvier 1998 portant Code du Travail en République du Bénin, « un salarié ne peut être licencié que s’il existe un motif objectif et sérieux de ne pas maintenir son contrat de travail » ;
Que la rupture d’un contrat de travail à durée indéterminée qui n’est pas fondée sur des faits concrets imputables au salarié et rendant impossibles la poursuite normale des relations de travail entre lui et son employeur, est abusive ;
Attendu en outre, que les articles 46 et 53 du  code de travail prescrivent que l’employeur qui prend l’initiative de la rupture du contrat de travail doit notifier sa décision par écrit au salarié en y indiquant expressément le motif de la rupture et respecter un délai de préavis avant la cessation des relations de travail ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier, notamment un certificat de travail en date du 10 septembre 1996 et une attestation de travail du 08 mars 2000 délivrée par la Société SACOGI SARL que Eugénie SANTOS a été engagée par cette société, en qualité de caissière, le 15 octobre 1987 ;
Qu’elle y a poursuivi son activité jusqu’au 06 septembre 2002 ;
Que courant 2000, elle a occupé le poste de gérante du magasin dénommé SACOGI AUTO sis au quartier Vèdoko à Cotonou ; 
Qu’il ressort de l’instruction du dossier, que le 06 septembre 2002, le directeur de la Société SACOGI SARL a mis fin à son contrat de travail par décision verbale ;
Que le 10 septembre 2002, Eugénie SANTOS lui a adressé une lettre libellée comme suit : « suite à notre entretien du vendredi 06 septembre 2002, dans votre bureau, entretien à l’issue duquel vous m’avez demandé de rester chez moi, j’ai l’honneur de solliciter de votre bienveillance la note de service accompagnant cette décision. Dans l’espoir d’une suite favorable à ma demande, veuillez agréer monsieur le directeur général, l’expression de mes sentiments distingués ;   
Que ce 10 septembre 2002, la Société SACOGI SARL lui a notifié une demande d’explication relative à des annulations de facture ;
Que par lettre  du 21 novembre 2002, le directeur général de la Société SACOGI SARL lui a notifié la cessation de son activité ainsi qu’il suit : « je vous confirme par écrit, la décision verbale à vous adressée le 06 septembre 2002 à savoir : la cessation provisoire de vos activités à la SACOGI en attendant l’enquête sur les ventes frauduleuses similaires à une organisation de réseau de vol dans le magasin de vente sis à vèdoko. A cet effet, nous vous avions adressé le 10 septembre 2002 une demande d’explication. N’ayant pas reçu de réponse, nous nous sommes donnés la peine de vous relancer le 20 septembre 2002, toujours par écrit. Votre silence semble traduire votre reconnaissance des faits incriminés et nous permet de déduire sans ambiguïté que vous constituez l’un des cerveaux pensants du réseau de vol ; le contraire nous étonnerait fort. En tout cas, nous continuons toujours d’attendre la réponse à notre demande d’explication en vue de prendre le cas échéant les décisions qui s’imposent» ;
Attendu qu’il ressort de l’analyse des éléments du dossier que c’est après la notification verbale de renvoi faite à Eugénie SANTOS le 06 septembre 2002 que la Société SACOGI SARL lui a transmis les demandes d’explication des 10 et 20 septembre 2002 ;
Qu’ainsi, le licenciement de Eugénie SANTOS a été prononcée verbalement;
Qu’il y a lieu de retenir que la Société SACOGI SARL a mis fin au contrat de travail qui la liait à  Eugénie SANTOS depuis le 15 octobre 1987, sans motif et sans formalité ;
Que la rupture intervenue dans ces conditions est abusive ; 
 
SUR LES RECLAMATIONS DE LA DEMANDERESSE
Attendu que Eugénie SANTOS sollicite la condamnation de Société SACOGI SARL à lui payer les sommes ci-dessus à titre d’indemnités compensatrices de préavis, de congé payé, de moins perçus sur salaire pour la période du 15 octobre 1987 au 31 juillet 1997 et de salaire de présence pour la période du 1er au 06 septembre 2002 ;
Attendu que selon l’article 226 alinéa 2 du Code du Travail, lorsqu’il s’élève une contestation entre le salarié et l’employeur sur le paiement du salaire, des primes et des indemnités de toute nature, le non-paiement est présumée de façon irréfragable, sauf  cas de force majeure, si l’employeur n’est pas en mesure de produire le registre de paiement dûment émargé par le travailleur, ou les témoins sur les mentions contestées, ou le double du bulletin de paie afférent au paiement contesté émargé dans les mêmes conditions ;
Attendu qu’en l’espèce, la Société SACOGI SARL n’a produit au Tribunal, aucune preuve contraire à ces réclamations formulées par Eugénie SANTOS ;
Qu’il y a lieu en conséquence, de la condamner aux paiements sollicités de ces chefs ;
 
* SUR L'INDEMNITE DE LICENCIEMENT
Attendu qu’en cas de licenciement, le travailleur ayant accompli une durée de service au moins égale a un an a droit à une indemnité de licenciement ;
Attendu qu’il est acquis aux débats que Eugénie SANTOS  a été au service de la Société SACOGI SARL du 15 octobre 1987 au 06 septembre 2002 ;
Que son salaire au moment de la rupture de son contrat de travail était de cinquante mille (50 000) francs par mois ;
Qu’elle remplit les conditions de la loi pour bénéficier de l’indemnité de licenciement ;
Qu’il y a lieu de condamner la Société SACOGI SARL à lui payer la somme de deux cent vingt trois cent quatre (223.104) représentant l’indemnité de licenciement pour la période d’emploi concernée ;

* SUR LA RÉGULARISATION DES COTISATIONS A L’OBSS
Attendu que tout employeur doit s’affilier à la caisse de sécurité sociale pour permettre aux travailleurs de bénéficier des avantages découlant de cette affiliation ;
Qu’en outre, l’employeur est tenu de déclarer les salariés à la caisse de sécurité sociale dès leur recrutement, en vue de leur faire bénéficier les diverses prestations relevant du régime général auquel ils sont assujettis ;
Attendu qu’en l’espèce, Eugénie SANTOS fait valoir que son employeur l’a déclaré à l’Office Béninois de Sécurité Sociale (OBSS) en 1996, en indiquant le 07 février 1996 comme date de sa prise de service, alors qu’elle a été recrutée le 15 octobre 1987 ;
Attendu qu’il est constant au dossier que la Société SACOGI SARL a commencé par utiliser les services de Eugénie SANTOS à compter du 15 octobre 1987 ;
Que l’examen de livret d’assurance à l’Office Béninois de Sécurité Sociale (OBSS), fait ressortir que Eugénie SANTOS a été déclarée pour compter de février 1996 ;
Qu’elle est par conséquent fondée à solliciter la régularisation des cotisations à cette institution pour compter de sa date d’embauche ;
Qu’il y a lieu d’enjoindre à la Société SACOGI SARL de régulariser les cotisations sociales la concernant pour la période du  15 octobre 1987 à février 1996 ;

* SUR LES DOMMAGES-INTÉRÊTS POUR LICENCIEMENT ABUSIF
Attendu que selon l’article 52 du Code du Travail, tout licenciement qui ne repose pas sur un motif objectif et sérieux ouvre droit, au profit du salarié, à des dommages-intérêts ;
Attendu qu’en l’espèce, Eugénie SANTOS est fondée en sa réclamation de dommages-intérêts, en raison du caractère abusif de son licenciement, de la perte de son emploi et des revenus y relatifs ;
Attendu toutefois que le montant de vingt cinq millions (25.000.000) F réclamé est exagéré ;
Qu’il y a lieu de le réduire à de justes proportions en condamnant la Société SACOGI SARL à payer à Eugénie SANTOS la somme de cinq millions francs (5.000.000) FCFA à titre de dommages-intérêts ;

* SUR LA DÉLIVRANCE DU CERTIFICAT DE TRAVAIL
Attendu qu’en vertu de l’article 62 du Code du Travail, l’employeur doit tenir à la disposition du travailleur, quel que soit le motif qui met fin au contrat, un certificat de travail indiquant exclusivement la date de son engagement, celle de sa sortie, la nature et les dates des emplois successivement occupés ainsi que la catégorie professionnelle, le cas échéant ; 
Attendu qu’en l’espèce, la Société SACOGI SARL ne justifie pas avoir rempli cette obligation ;
Qu’il y a lieu, en conséquence, de lui enjoindre de délivrer à Eugénie SANTOS un certificat de travail comportant les indications susmentionnées ;

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en premier ressort :
Dit que la rupture du contrat de travail de Eugénie SANTOS est imputable à la Société Africaine de Commerce Général et d’Industrie (SACOGI) SARL ;
Dit que cette rupture est constitutive d’un licenciement abusif ;
Condamne en conséquence la Société Africaine de Commerce Général et d’Industrie (SACOGI) SARL à lui payer les sommes ci-après :
* Indemnité compensatrice de préavis : cinquante mille (50.000) F
* Indemnité compensatrice de congé payé : cent cinquante mille (150.000) F
* Salaire de présence du mois du 1er au 06 septembre 2002 : dix mille (10.000) F
* Indemnité de licenciement : deux cent vingt trois mille cent quatre (223.104) F
* Moins perçus sur salaire du 15 octobre 1987 au 31 juillet 1997 : un million cinq cent huit mille six cent huit (1.508.608) F
* Dommages-intérêts pour licenciement abusif : cinq millions (5.000.000) F
Enjoint à la Société Africaine de Commerce Général et d’Industrie (SACOGI) SARL de délivrer à Eugénie SANTOS un certificat de travail conforme aux exigences de l’article 62 du Code du Travail ;
Enjoint à la Société Africaine de Commerce Général et d’Industrie (SACOGI) SARL de régulariser les cotisations de Eugénie SANTOS à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) pour la période du 15 octobre 1987 à février 1996 ;

DELAI D’APPEL : 15 Jours

ONT SIGNE


LE PRESIDENT                         LE GREFFIER